Dans un arrêt du 12 décembre 2016, la Cour de cassation a précisé les critères d’appréciation du respect des valeurs républicaines par un syndicat.
Contexte de l’affaire
Le Syndicat des travailleurs corses (STC) contestait l’annulation de sa candidature au scrutin national organisé par le Ministère du travail pour mesurer l’audience des organisations syndicales au sein des très petites entreprises. La CFDT, la CGT, la CFTC et FO avaient saisi le Tribunal d’instance de Paris 15e pour invalider la décision de la Direction Générale du Travail du 1er juin 2016, considérant que le STC ne respectait pas les valeurs républicaines en prônant des discriminations fondées sur l’origine des salariés.
Le 9 septembre 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation a annulé la décision du Tribunal d’instance, qui avait déclaré illicite l’objet du STC au regard de ses statuts et de sa profession de foi, invalidant ainsi sa participation au scrutin (Cass. soc., 9 sept. 2016, n° 16-20.605). L’affaire a été renvoyée devant le Tribunal d’instance, chargé d’examiner si, au-delà de ses statuts, l’action du STC poursuivait un objectif contraire aux valeurs républicaines.
Décision et précisions jurisprudentielles
Le Tribunal d’instance a estimé que le STC, bien que tenant des propos pouvant être interprétés comme une « provocation à la discrimination », n’avait pas mis en œuvre une discrimination effective. Dès lors, son action relevait de la liberté d’expression et ne contrevenait pas aux valeurs républicaines.
La CGT a formé un pourvoi contre cette décision. Dans son arrêt de rejet, la Chambre sociale de la Cour de cassation a apporté deux précisions majeures :
- Définition des valeurs républicaines : La Cour de cassation a posé le principe selon lequel « méconnaît les valeurs républicaines un syndicat qui prône des discriminations directes ou indirectes en raison de l’origine des salariés ». Ce faisant, elle définit la notion de valeurs républicaines en y intégrant le respect du principe de non-discrimination.
- Charge de la preuve : La Cour rappelle que c’est à celui qui conteste le respect des valeurs républicaines par un syndicat d’en apporter la preuve. Or, elle a jugé que les éléments avancés par les requérants étaient insuffisants pour démontrer que l’action du STC incitait à des distinctions fondées sur l’origine des salariés. Dès lors, il ne pouvait être établi que ce syndicat poursuivait un objectif contraire aux valeurs républicaines.
La question de la charge de la preuve en matière de discrimination
Cette décision s’inscrit dans un cadre juridique plus large, notamment celui de la preuve en matière de discrimination. L’article L. 1134-1 du Code du travail prévoit un aménagement de la charge de la preuve :
- La partie alléguant une discrimination doit fournir des éléments laissant présumer son existence.
- La partie mise en cause doit prouver que son comportement est justifié par des raisons objectives étrangères à toute discrimination.
Cependant, cet aménagement ne s’applique pas lorsqu’il s’agit d’évaluer le respect des valeurs républicaines en tant que tel (Cass. soc., 13 octobre 2010, n° 10-60.130). Ainsi, dans cette affaire, la charge de la preuve reposait intégralement sur les requérants.
Conclusion
Par cet arrêt, la Cour de cassation réaffirme que le respect des valeurs républicaines implique l’interdiction de toute incitation à la discrimination. Toutefois, elle rappelle également que la charge de la preuve repose sur ceux qui contestent la conformité d’un syndicat à ces valeurs. Cette décision souligne ainsi l’importance de prouver non seulement l’existence de propos litigieux, mais aussi leur traduction en actes discriminatoires concrets.
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