Prise d’acte et licenciement irrégulier : rappels jurisprudentiels

Dans un arrêt rendu le 19 octobre 2016, la Chambre sociale de la Cour de cassation a réaffirmé sa position sur les conséquences indemnitaires d’une prise d’acte justifiée de la rupture du contrat de travail (Cass. soc., 19 oct. 2016, n° 14-25.067).

Qu’est-ce que la prise d’acte ?

La prise d’acte est un dispositif permettant au salarié de rompre son contrat en raison de manquements graves imputables à l’employeur, rendant impossible la poursuite du travail (Cass. soc., 26 mars 2014, n°12-23.634). Concrètement, le salarié informe son employeur de la rupture du contrat par écrit, en invoquant des griefs tels que le non-paiement de salaires, le harcèlement ou encore la violation des obligations contractuelles (Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 08-40.863). Cette rupture prend effet immédiatement.

Conséquences de la prise d’acte

Bien que la rupture du contrat soit immédiate, c’est au Conseil de prud’hommes de qualifier les effets de la prise d’acte. Selon une série d’arrêts du 25 juin 2003 (Cass. soc., n° 01-42.335, n° 01-43.578, etc.), si la prise d’acte est justifiée, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (ou nul dans certains cas). Dans le cas contraire, elle est assimilée à une démission.

Lorsqu’elle est reconnue justifiée, le salarié peut prétendre aux indemnités suivantes :

  • Indemnité légale ou conventionnelle de licenciement
  • Indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents
  • Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 janv. 2010, n° 08-43.471)

D’autres indemnisations sont également possibles, comme :

  • La perte de chance d’utiliser les droits acquis au titre du DIF (Cass. soc., 18 mai 2011, n° 09-69.175)
  • Des dommages et intérêts liés au contexte de la rupture (Cass. soc., 16 mars 2010, n° 08-44.094)

De plus, l’employeur peut être contraint de rembourser à Pôle emploi les allocations chômage versées au salarié en vertu de l’article L. 1234-5 du Code du travail (Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-44.694).

La prise d’acte n’est pas un licenciement

Un principe jurisprudentiel constant établit que la prise d’acte ne constitue pas un licenciement au sens strict. Par conséquent, un salarié dont la prise d’acte est validée ne peut pas réclamer une indemnité pour licenciement irrégulier au titre de l’article L. 1235-2 du Code du travail (Cass. soc., 4 avr. 2007, n° 05-42 ; Cass. soc., 9 févr. 2011, n° 09-40.402 ; Cass. soc., 6 mai 2015, n° 13-28.803).

Ce principe a été rappelé dans l’arrêt du 19 octobre 2016. Dans cette affaire, la cour d’appel avait accordé au salarié une indemnité pour licenciement irrégulier en raison de l’absence de convocation à un entretien préalable et d’information sur l’assistance possible. La Cour de cassation a censuré cette décision en précisant qu’une prise d’acte justifiée entraîne les effets d’un licenciement sans en être un. Dès lors, il serait incohérent d’exiger le respect d’une procédure de licenciement dans un cas où l’employeur n’est pas à l’origine de la rupture du contrat.

Cet arrêt réaffirme donc la distinction entre prise d’acte et licenciement, confirmant que l’employeur ne peut être sanctionné pour ne pas avoir respecté une procédure de licenciement qu’il n’a pas initiée.

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